« A travers mes peintures, mes sculptures, mes regards c’est une histoire humaine que je veux mettre en forme.
Longtemps j’ai uni mes toiles inscrites par l’humanité des écritures à coté de mes boules fragiles, réceptacles, coupes marquées par l’empreinte de mes doigts.
Puis ont surgi de ma mémoire d’autres tracés plus anciens, les déesses de la terre que j’appelle aussi les gardiens du monde, les causeuses, les voyageurs.
Monde fragile.
Je veux tendre à la sérénité des conversations, où on est, tout entier, à l’autre dans un temps immuable, un temps infini, une sensation d’être dans l’espace, dans le temps de l’histoire de l’humanité.
Les gardiens des graines, graines de vie : conscience et mémoire de l’homme.
Gardiennes, mères matrice… Elles s’installent dans le mouvement de la terre, recommencement, cycle de vie.
Devenues causeuses, c’est l’instant de calme, de réflexion, de communion entre la terre et le ciel. L’entre deux temps, cet espace devient rencontre de la vie, temps fragile et subtile.
Boules et bols sont là pour accueillir, recueillir les conversations. Ils sont le ventre de la terre, forme ronde, cercle d’harmonie.
Ils sont là pour accueillir l’eau de la vie, ils sont aussi offrande. Ils accueillent les paroles des conversations qui deviendront multiples et plurielles (utopie d’un monde plus serein?). L’eau les nourrit pour les faire grandir dans le cycle de la vie. Grandies, elles contamineront, essaimeront.
Les voyageurs devenus gardiens du monde sont témoins de ces ailleurs, inconnus. Devenus porteurs de ces paroles multiples ils sont là pour inviter à rencontrer le rythme singulier de chacun.
Ces voyageurs murmurent, chuchotent, ils ont eux aussi leur rythme silencieux.
Mes installations sont conçues pour être découvertes petit à petit. Elles obligent le corps à la marche tranquille.
Doucement elles invitent à l’apaisement, s’imposent par leur silence méditatif.
Elles murmurent, chuchotent, elles ont, elles aussi, leur rythme silencieux.
Elles sont conçues pour être nomades, elles aussi, elles se posent, s’invitent dans les jardins, les pierres pour les habiter, retrouver l’intimité de l’échange. »
Nicole Bastien